Note sur le patrimoine d’affectation

Proposition de création d’un nouveau régime juridique pour l’entreprise individuelle

L’entreprise individuelle commerciale, artisanale, agricole et libérale à responsabilité financière limitée.

L’objectif de la création d’un patrimoine d’affectation, consistant à regrouper les biens professionnels de l’entrepreneur individuel qui serviraient de gages à ses créanciers professionnels, est de protéger son patrimoine privé dans son ensemble, sauf pour les biens donnés en garantie à des créanciers identifiés (caution, gage, hypothèque…).

Lors des différents débats récurrents depuis plusieurs années sur l’introduction en droit français de cette notion de séparation juridique des patrimoines professionnels et privés, sans création d’une personne morale distincte de l’entrepreneur individuel, il est apparu qu’en dehors de l’acceptation par les juristes du principe même de la séparation de patrimoines, les principales difficultés résident dans :

– la distinction entre les deux patrimoines
– la fiabilité des informations fournies aux tiers
– les flux entre les différents patrimoines
– la réduction des garanties des créanciers 

Pour tenter de contribuer à la solution de ces principales difficultés, nous soumettons à votre réflexion les propositions suivantes :

– maintenir le régime actuel de confusion de patrimoine comme régime de droit commun
– créer un régime optionnel de séparation de patrimoine pour l’entrepreneur individuel, sans création d’une personne morale, ce régime peut être intitulé : Entreprise individuelle à responsabilité financière limitée EIRFL

Ce régime optionnel peut être choisi au démarrage de l’activité, ou en cours d’activité. Par simplification il est nécessaire que cette option soit irrévocable.

Des conditions seront à remplir pour bénéficier de ce régime optionnel. Ces conditions pourraient être les suivantes :

– En cas d’option à la création : publicité pour informer les tiers par une mention au registre du commerce pour les commerçants, au répertoire des métiers pour les artisans, et au CFE pour les autres professions indépendantes (professions libérales)
– En cas d’option d’une entreprise existante : publicité dans un journal d’annonces légales et mention au registre de commerce pour les commerçants, au répertoire des métiers pour les artisans, et au CFE pour les professions indépendantes (professions libérales)
– En cas d’option pour les entreprises existantes, les dettes nées avant l’option ne sont pas concernées par la séparation de patrimoine
– Mention obligatoire sur les documents émis par l’entrepreneur (factures, devis, correspondances…)
– L’option pour un patrimoine d’affectation doit s’accompagner d’obligations de l’entrepreneur, ces obligations ont pour objet de garantir les tiers d’une part et de sécuriser l’entrepreneur de bonne foi.

Ces obligations peuvent être :

– tenir une comptabilité régulière conforme au plan comptable général ou à un plan comptable professionnel agréé
– établir les comptes annuels (bilan, compte de résultats et annexe) conformément au code comptable
– clôturer les comptes au 31 décembre de chaque année 
– être soumis sur le plan fiscal à un régime réel d’imposition normal ou simplifié (BIC, BNC, BA)
– déposer les comptes annuels auprès d’un Organisme de Gestion Agréé.

Cette dernière obligation n’est pas une contrainte supplémentaire, dans la mesure où plus des ¾ des entreprises individuelles sont adhérentes d’un Organisme de Gestion Agréé et qu’elles doivent pour des raisons fiscales transmettre leurs comptes annuels à ces organismes.

Cette obligation ne génère pas de coûts supplémentaires.

Les OGA étant agréés par la DGFIP et soumis à son contrôle peuvent constituer un tiers détenteur des comptes qui fera foi en cas de conflit sur les le contenu du patrimoine. Les deux missions principales confiées par le législateur aux OGA sont des missions de prévention fiscale et de prévention des difficultés économiques et financières auprès des entreprises individuelles. 

Les conséquences de l’option, dès lors que les obligations qui en découlent ont été respectées seront :

– La responsabilité financière de l’entrepreneur est limitée aux capitaux propres qu’il a laissés dans l’entreprise, qui apparaissent dans les comptes déposés à l’Organisme de Gestion Agréé qui feront foi
– En cas de défaillance de l’entrepreneur, l’Organisme de Gestion Agréé est tenu de communiquer au tribunal ou au mandataire de justice désigné par le tribunal concerné, copie des comptes des 3 derniers exercices déposés par l’entreprise ainsi que le Dossier d’Analyse Economique (établi, pour la même période, dans le cadre de sa mission de prévention des difficultés économiques et financières). 
– En cas d’insuffisance d’actifs, le tribunal peut décider, sur la base du rapport du mandataire de justice et des documents fournis par l’Organisme de Gestion Agréé, de mettre à la charge de l’entrepreneur sur ses biens non professionnels, tout ou partie du passif qui n’aura pas été honoré par les actifs portés dans les comptes de l’entreprise.
Par ailleurs, pour renforcer les fonds propres des EIRFL, il est souhaitable de mettre en place un dispositif fiscal proche de celui des EURL soumises à l’IS en imposant une partie des revenus d’une EIRFL laissée dans les actifs de l’entreprise à un taux forfaitaire, et de soumettre seulement le reste du résultat à l’impôt sur les revenus au taux progressif.

Les sommes non prélevées et soumises à un taux d’impôt forfaitaire seront comptabilisées dans un compte de capitaux propres spécifique au passif des comptes de l’entreprise concernée. 

Béchir CHEBBAH, Président de l’UNASA Août 2008

 

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